Musée des Bijoux Royaux, Alexandrie, Egypte


Texte et photos © Iannis Kallianiotis

 

Un Musée de Bijoux Royaux à Alexandrie ad Aegyptum ? Comment ? Dans une ville qui a cessé d’être Royale, d’être Capitale d’Egypte depuis 30 A.C. et la défaite à Aktion de sa dernière Reine et Pharaonne Cléopâtre ?

Pourtant l’aura cosmopolite du 19eme et la première moitié du 20eme siècles, de cette ville fondée par Alexandre le Grand et ressuscitée par Mohamed Ali et ses « invités » Européens, persiste et signe avec une grande partie de sa scénographie magnifique encore en survie.

Beaucoup de « Palais » d’antan, en réalité des hôtels particuliers luxueux, subsistent amputés de leur parc, où des immeubles de 15 voire 20 étages sont construits. Un group assez compact de ceux-là, se tient au Quartier Grec de la ville avec les demeures Bénaki, Salvâgo, Rôllo ou Sûrsok. Mais beaucoup de beautés architecturales existent encore dans les banlieues jadis vertes et cossues de Zizinia, Bulkley, Roujdi ou Glymenopoulo.



 Villa de la Princesse Aziza Fahmy sur la Corniche. Récemment rachetée, elle est en train d'être peinte en ochre (Oct. 2024)

La prochaine photo nous montre l’extérieur d’une élégante villa de style néo Romain. Elle a une garde de haute sécurité et pour cause. Elle abrite le Musée des Bijoux Royaux. Elle est séparée du bord de mer de quelques hauts immeubles, probablement construits dans son ancien parc.

A l’entrée du jardin on passe par un détecteur de métaux et on achète notre billet électronique, uniquement par carte bancaire, comme dans tous les sites touristiques en Egypte.

 


La villa appartenait à Nabila (titre nobiliaire) Fatma Haidar, issue de la famille de Mohamed Aly, fondateur de la dynastie régnante de 1805 à 1952 en Egypte. Son père était le Prince Aly Haidar Sannassi, éminent scientifique et poète, sa mère Zeinab Fahmy, fille de Aly Fahmy Pacha, grand propriétaire terrien et sœur de l’architecte Aly Fahmy.

Sa mère a commencé la construction de l’aile ouest de la villa en 1919. Après son décès, sa fille a construit l’aile est, tout en connectant les ailes avec un couloir portant deux séries de portes fenêtres ornées de vitraux, narrant une histoire d’amour et mariage dans la noblesse italienne du 18eme siècle.

L’architecte Italien Antonio Lassiac et son équipe se sont inspirés de l’architecture Grecque et Romaine, tout en utilisant des symboles Byzantins et des éléments de décoration, baroque, renaissance ou rococo, un mélange d’intentions qui démontre la tendance d’une partie de la classe dirigeante Egyptienne, de regarder, comme la ville d’Alexandrie, vers l’Europe.

La villa terminée en 1923, s’étend sur 4.185 M2, jardins inclus.

 

Elle était utilisée comme résidence d’été jusqu’en 1952, année de la révolution qui a renversé la Monarchie. Depuis, la propriétaire n’a pu garder que l’usufruit. En 1964, partie vivre au Caire, elle en a fait don à l’état Egyptien.    

La villa devint résidence d’été Présidentielle, jusqu’à 1986, quand par décret elle se transforma en Musée des Bijoux Royaux. Y sont exposes des bijoux Royaux et des objets précieux appartenant aux membres de la Dynastie qui a régné sur l’Egypte de 1805 à 1952).



                                               L’entrée de l’aile est, fermée de nos jours.



 L’aile est, le corridor orné de vitraux.

 

             

                                                   L’aile ouest, avec l’entrée du Musée.

  

 


 Sous le porche circulaire de l’entrée, des couvre-chaussures en plastic sont offertes, afin de préserver les parquets en marquéterie précieuse.

 


Les parquets en marqueterie de palissandre, chêne, acajou, noyer de Turquie, bois de rosier.



Le plan de la villa. Rez de chaussée, et premier étage

En fait, au rez de chaussée, l’aile ouest, le corridor et deux pièces seulement de l’aile est, sont ouverts au public, tandis qu’au premier étage seule l’aile ouest est visitée. Du plan on peut imaginer qu’une salle de bal est abritée dans l’aile est.


 

                                     Premier espace de réception, à droite de l’entrée.


 

             On expose ici des objets en or, ou plaqués or, appartenant au Roi Farouk.


Suit, un espace de réception longiligne qui mène à deux autres salons et communique à droite avec le corridor des vitraux.

  

 

Bijoux en perles et pierres semi-précieuses

  


Parure de perles, diamants et rubis de la Reine Nariman, deuxième épouse du Roi Farouk et mère du Roi Ahmed-Fouad.

 

Au fond à gauche, un autre salon


 

Des vitrines discrètes et une multitude de bijoux de provenances diverses


 



 

Collier-diadème en or et bijoux de provenance Indienne.

Perles et pierres précieuses de face, émaux multicolores à l’envers.

 

 

Portrait-miniature d’une des épouses Khédiviales.

 

Peigne avec méandre en diamants. Sur sa boîte, le monogramme et la couronne Perse de l’impératrice Fawzia, sœur du Roi Farouk.


Ce bijou nous donne l'opportunité de visiter un peu l'histoire de la plus belle des soeurs du Roi Farouk, de leur mère et de leurs bijoux qui ne sont pas exposés ici, victimes des vicissitudes de la dynastie. 


Tout a commencé par le premier souverain de la dynastie de Mohamed Aly qui a pris le titre de Roi, en 1922, Fouad 1er. Ses premières noces avec sa richissime cousine, la princesse Shivékiar, se sont dissolues, suite au décès d'un premier bébé mâle, la naissance d' une fille et l' attentat  pérpetré par le frère de Shivékiar, où une balle au larynx a failli d' emporter le Roi et lui a laissé un problème phonétique à vie.



 


La princesse Shivékiar. Elle porte son collier Boucheron aux éméraudes amovibles (photo de Christies, à droite).
Suite à son mariage royal, elle en a fait encore quatre et a divorcé trois fois.
Elle fut l'éminence grise du Roi Farouk, avec des résultats néfastes concernant sa mère et ses épouses.

Le Roi Fouad de son côté s'est remarié avec Nazli Sabry qui lui a donné quatre filles et l'héritier tant attendu, Farouk.

La plus belle des princesses, Fawzia, a fait un important mariage dynastique avec l' héritier du Thrône de Perse. Le futur marié n' était pas de lignée royale, juste le fils d' un géneral putchiste qui avait usurpé le titre Impérial de 2.500 ans, de Shah in Shah.
Ce mariage l'a introduit dans le cercle fermé des familles royales, mais n'a pas pu lui donner l'héritier mâle, qu'il a recherché plus tard en se mariant à Soraya Esfandiari-Baktiari et obtenu finalement de son troisième mariage avec Farah Diba, étudiante d'architecture à Paris. 
Le suite est connue par l'histoire contemporaine de la Perse.







La princesse Fawzia à son banquet de noces, au Caire, le 15/3/1939.

Elle porte la parure que son frère a commandé chez Van Cleef & Arpels.
Diadème en diamants ronds, baguette et poires, collier en diamants ronds et baguette.
 Elle porte en plus, une triple rivière de diamants du trésor Perse.








Ce mariage ne fut pas une réussite. Une fillette est née, mais la mariée dépérissait à Teheran loin de la cour brillante du Caire et le cosmopolitisme d'Alexandrie. On s'inquiétait sérieusement de sa santé
Le divorce prononcé, elle est revenue au Caire et s'est remariée.



Ici, on la voit plus tard, à l'apogée de sa beauté à la Cour de son frère.




Pour ce même mariage de 1939, le Roi Farouk, avait commandé pour sa mère la Reine Nazli, diadème et collier, chez van Cleef & Arpels.






A gauche la Reine Nazli, le Shah de Perse et sa deuxième epouse Tadj El Molouk, aux noces de leurs enfants à Teheran.

Ces joyaux ont suivi la Reine Nazli aux U.S.A. où elle s' est auto exilée avec une de ses filles et s'est convertie au Catholicisme.
Son fils lui a coupé toute subvention et ces bijoux furent vendus sur place.

Les dessins et le photos ci-dessus proviennent du livre de Vincent Meylan "  Van Cleef & Arpels Trésors et légendes ", éditions Télémaque.

 

 

Plaque de cou en résille de diamants, avec Fawzia calligraphié en Arabe.

Devant, deux montres de soirée en diamants. Une d’elles porte le monogramme arabe Faw en saphirs calibrés.

  

On retourne au premier salon à gauche de l’entrée

 

 


Deux parures de la Reine Farida, première épouse du Roi Farouk, une en brillants, l’autre en brillants et aquamarines. Les deux colliers sont transformables en diadèmes.

 

  

Bijoux en brillants, saphirs calibrés et émail noir. Le bracelet à droite peut être porté en bandeau.

 

 

Bijoux en or, coraux et brillants.

 

 Nécessaire en émail et saphirs.

 Possibilité de porter ce bijou en collier de chien ou diadème-bandeau.

 

 

Boite en jaspe et diamants avec le portrait de la Reine Farida.

 

 

Collier et boucles d’oreilles en or, incrustées de pierres dûres avec la technique romaine de micro-mosaïques, cadeau à la Reine Farida. 

 


Bague et collier d’inspiration pharaônique

 

 

 Parure à coraux, selon la tradition napolitaine du 19eme siècle. A gauche grande broche, collier, boucles d’oreilles. A droite diadème et trois broches.

 

 Puis, on traverse le corridor à vitraux

  

 


 Dans des vitrines, des décorations du roi Farouk ornées de diamants


 

  Grand collier à seize éléments on or et email, orné de diamants et émeraudes cabochon.

 

Les vitraux




                    




     

Couleurs vives, cependant le rendu artistique laisse à désirer.

 

A la fin du couloir, deux espaces de dimensions moyennes, où sont exposés deux diadèmes, un avec son bracelet, l’autre avec ses boucles d’oreilles.

 




                Ici on voit exposé un portrait photographique de la Reine Farida. 

Elle porte le diadème dit « aux paons », sa triple rivière de diamants de chez Boucheron et des longues boucles d’oreilles exposés avec ses deux autres parures.










Née Safinaz Zulfikar de famille aristocratique d’origine Turque, elle fut nommée Farida à 17 ans après son mariage avec le Roi Farouk le 20/1/1938.

Extrêmement populaire, elle a donné trois filles au Roi, les Princesses Férial, Fawzia et Fâdia, mais pas le fils et héritier tant désiré. Divorcée en 1948 et séparée de ses filles, elle a entamé des études de Beaux-Arts en France.

Peintre de talent, elle a exposé dans des capitales Européennes et Arabes. Décédée en 1988.


Pendant la deuxième guerre mondiale et l'éxil de la famille Royale Grecque en Egypte, des liens d' amitié  ont était tissés à vie entre la Reine Farida, la Princesse héritière Frederica et leurs enfants.
A sa première visite officielle en Egypte en 1961, le Prince héritier Constantin, a rendu visite à l' ancienne Reine en sa résidence surveillée ("Sans titre", Mémoires du Roi Constantin).
Dès qu'elle fut autorisée de sortir d'Égypte, elle fut conviée aux noces Royales et en vacances en Grèce (1964).

Un article du docteur N. Papaconstantinou, dédié à cette amitié avec des photos rarissimes est publié au site Royal Chronicles.gr (voir le lien suivant).






Parure en diamants blancs et jaunes de la Reine Farida. 

Les fleurs sont détachables et peuvent se porter en broches.






  Le mécanisme de support du diadème. Les outils nécessaires pour le démantèlement ne subsistent pas.



 Parure en perles et diamants. Grande perle poire et diamant briolette. Propriétaire et réalisateur inconnus de l’auteur. Ce diadème aussi se divise en plusieurs éléments.


                     

Mécanisme et outils de transformation.


                                 

                                                                 Les boucles d’oreilles assorties    

   


Une autre paire de boucles d’oreilles en brillants blancs et jaunes et émeraudes est exposée ici, probablement formant parure avec une grande broche exposée dans une autre pièce




Dans les deux cas les plus gros brillants sont dessertis





Ici on va présenter Nariman Sadek, la deuxième épouse du Roi Farouk. Leur union a amené en 1952, l'héritier tant souhaité, Ahmed Fouad, mais n'a pas resisté à la revolution et l'éxil.
Nariman a divorcé, est rentrée en Egypte et s'est remariée.




Commande du Roi Farouk pour sa deuxième épouse. Saphirs et topazes sertis en or, Boucheron.


Peut-être c'est le moment d'évoquer deux autres princesses qui préféraient toujours Alexandrie comme lieu de résidence.





Mahivesh Shirine, princesse Toûssoun en diadème Boucheron. La partie centrale se détache et peut être portée en broche. 
A son cou, une boucle d'oreille de la Grande Cathérine, avec un diamant jaune et un diamant rose.




La princesse Eminée Fazil, mère de la princesse Toûssoun.
Elle porte sa grande broche devant de corsage, en diadème.

Photos du livre de Vincent Meylan "Αrchives secrètes Boucheron", éditions Télémaque          

                                                           

Montons à l’étage



L’escalier menant à l’étage



Statue de bronze à la base de l’éscalier






L’entrée à l’étage



Le monogramme couronné de Fatma Haidar 



Dans ce premier éspace sont exposés les cadeaux de mariage du Roi Farouk avec la Reine Farida.



Surtout en or mat, portant des bouteilles de crystal



Gobelets en or et diamants



Service de thé en or et porcelaine

 

 

Un couloir mène à l’endroit le plus emblématique de cette maison, un lieu de purification du corps, comme de l’âme, via les arts…



On y est introduit par une mosaïque dans les nuances subtiles gris-bleu et or, entourée d’une guirlande de fleurs portant aux quatre coins le monogramme FΗ.

L’éspace se visite par un pond protecteur en plexiglas.








Ici les décorateurs ont voulu se surpasser et ont commandé des vasques de marbre pour toute utilisation imaginable. Ils ont dessiné des paysages Nilotiques avec un temple de Venus et pas moins de 22 nymphes pour les fournisseurs de carreaux de porcelaine. Ils ont invité les artistes de vitraux de donner l’impression d’espace à ciel ouvert.

 


Les pancartes du Musée nous informent que des vasques de toilette, bidet, manicure, pédicure, baignoires pour adultes et pour enfants sont prévues, ainsi qu’un système de douches multiples (analogue de celui de Villa Kérylos à Beaulieu sur Mer).

 


Le vitrail derrière la baignoire principale nous transporte à Deauville…

Adultes et enfants semblent avoir échappé d’un défilé de Jeanne Lanvin…




Au vitrail du plafond Venus (ou peut-etre FH ?) se fait une beauté avec l’aide des amours ailés et son assistante probablement Nubienne, à la peau bien mate.

 








Bien raffraichis auprès des nymphes et des flamingos, on peut retourner au luxe materiel…




Jeu d’échecs, présent du Prince Héritier de Perse, futur Shah, au Roi Farouk, à l’occasion de son mariage avec la sœur du Roi, la Princesse Fawzia le 15/3/1939. Or, émaux, diamants, pierres précieuses et semi-précieuses.





Les bases des pièces d'échec avec des miniatures persanes, probablement sur ivoire.



Bâton de maréchal du Roi Farouk, probablement en ébène, extrémités en feuilles de lotus en or. Applications du blason Royal (croissant et trois étoiles) en or. D’une part et d’autre, des jumelles en or, agrémentées de diamants.



A droite, jeu d’échecs en jade. A gauche étui de jeu de table en or, émail noir, crystal de roche et pierres semi-précieuses. Monogramme couronné Μ. Ι.



Set de bureau du Roi Farouk en argent gravé et émaillé d’une technique proche des Fabergé.Autres accessoires de bureau en or et lapis lazuli.



Ustensiles de fumeur de narguilé. Ambre, or, diamants, émaux.


Embouchure de narguilé en ambre, émaux et diamants


Porte cigarettes. A gauche argent, cuivre et saphirs. Au milieu or jaune, saphires et brillants. A droite argent noirci et coloré avec paysage Parisien avec le Panthéon, la tour Eiffel et le Moulin Rouge.




Eléphant d’ivoire agrémenté d’or et pierres précieuses. Loupes et instruments de scribe, sceau en or et aimatite.



Montres précieuses à gousset avec portraits de différents Khédives et membres de la dynastie.
 



Set de bureau du Prince Said Toûssoun




                                                 L’aile est, vue des fenêtres de l’aile ouest 

                     

En descendant on fait nos adieux au Musée 

 











et à son quartier



Seul regret, l'absence de photos des prémières propriétaires de la villa



Pour clôre, on donne la parole à la Princesse Névine Abbas Halim, qui dans ses mémoires "Diaries of an Egyptian Princess, 2009, éditions Zéitouna, Le Caire", déclare: 

"Il semble qu'il y a trés peu de choses dans ce pretendu Musée des Bijoux Royaux à Alexandrie"...

Evidemment, quand on a vu et connu les splendeurs qu'elle en a été temoin...


Voici une seule photo de son livre





La Princesse Fatma, une des filles du Khedive Ismail, dit le Magnifique.


Elle a vendu toute sa fabuleuse collection de bijoux, afin de financer la construction de l'Université du Caire, sur des terres qu'elle a données à cet effet.


      
Texte et photos © Iannis Kallianiotis




Pour la même présentation du Musée en langue Grecque, veuillez suivre le lien:


 

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