Musée Mohamed Mahmood et Emilienne Khalil
" Il était une fois des collectionneurs au Caire ..."
Texte et photos en couleur © Iannis Kallianiotis, (sauf indication contraire)

Un manoir se dresse au bord du Nil, tel une élégante maison de poupée au milieu des constructions modernes.
Il renferme les trésors amassés par le couple de collectionneurs d'art Mohamed Mahmood Khalil Bey (1877-1953) et Emilienne Héctor Luce (1881-1960), qu'ils ont legués à l'État Εgyptien.
La maison fut construite entre 1901 et 1907 (date inscrite sur le vitrail de l'éscalier) par Raphael Suares, banquier d'origine juive (1846-1909). Vendue au prince Omar Halim, elle passa en possession de Mahmood Khalil dans les années 1920 (information glanée sur egy.com parmi les précieux souvenirs de Samir Raafat).
Khalil Bey, né de père Egyptien et de mère Grecque, fit ses études dans les écoles françaises d' Égypte avant d'entreprendre des études de droit à la Sorbonne à Paris.
C'est là qu'en 1903, il rencontra Emilienne Luce, étudiante au Conservatoire. Après un bref passage d'Émilienne sur la scène de théâtre à Nantes, ils se marièrent la même année et passèrent toute leur vie au sein de leur passion commune pour la collection des oeuvres d'art.
Au Caire, ils ont d'abord séjourné au centre ville, rue Kasr El Nil, puis ils ont acheté le manoir en question au 1, rue Kafour, à Dokki, un quartier de villas entourées de jardins luxuriants.
Mohamed Mahmood Khalil, héritier d'une fortune importante et homme d'affaires avisé, était également actif en politique. Ministre du parti Wafd à plusieurs reprises, il est devenu président du Sénat. Cofondateur avec le prince Youssef Kamal de la Société des Amis des Arts, il en fut président en 1924 et 1925. En 1927, il devint président du Comité consultatif des Beaux-Arts auprès du ministère de l'Éducation. (Informations glanées de l'article de Nadine Nour El Din sur Rasseef22.net) L'opposition aux Britanniques l'a privé du titre de "Pacha".
Le couple Khalil lors d'une réception de la Société des Amis des Arts
Emilienne, en présence des dames de la Cour Royale, porte un chapeau et un "yasmak" en organza blanc, bas sur le menton. Si nécessaire, il pouvait être relevé sur le nez, couvrant ainsi une partie du visage.
Inauguration de l'exposition de sculptures françaises du XIXe siècle à l'Institut Français du Caire, en présence de la reine Farida. À droite, Khalil Bey, 25 février 1939.
Le manoir au milieu de son parc somptueux

Seule une partie infime des anciens jardins subsiste. Un étroit corridor de verdure nous conduit à l'entrée de la demeure où nous attend Mohamed Mahmood Khalil Bey, avec son expression maussade habituelle.
À ses côtés se tient, tout sourire, le directeur du musée, Saleh Hamed, artiste visuel.
Il a eu la gentillesse de nous fournir l'un des rares petits catalogues restants du musée, lors de son ouverture en 1962. Il contient des photographies des pièces dans l'état exact dans lequel elles étaient habitées par le couple des donateurs généreux. C'était ainsi, stipulé dans le testament d'Emilienne Khalil, que les collections devaient être exposées.
Un capharnaüm de trésors, que l'on ne peut observer que dans ces maisons de grands collectionneurs.
Un mélange de meubles de grand style, de tableaux, de sculptures et d'innombrables objets d'art.

Une entrée en fer, digne d'un coffre fort des Arts
L'histoire de la collection et de la donation se déroule à peu près comme suit :En 1947, Khalil Bey lègue par acte notarié le manoir, les collections et leurs annexes à son épouse Emilienne Luce.Tout article contenu dans cet acte, est dorenavant déduit de sa fortune personnelle.La raison de cet acte notarié, ne deviendra claire qu'en 1953, à sa mort, lorsqu'un second contrat matrimonial, datant précisément de 1947, sera révélé. Cette révélation sera accompagnée d'actions en justice de la part de la seconde épouse concernant des avoirs financiers et une demande de reconnaissance de paternité d'un fils né en 1947.Outre l'acte notarié de 1947, Khalil Bey ajouta un codicille spécial à son testament, fait seulement une semaine avant sa mort en 1953, où il prévoit des moyens financiers supplémentaires pour son épouse de 50 ans, afin d'assurer son indépendance financière et la protection des collections. Il était bien conscient des prétentions de la seconde épouse et des informations médicales l'excluant de toute paternité éventuelle.La justice a reconnu l'acte notarié de 1947, une partie du codicille de 1953, mais aussi la paternité d'un fils. (Les tests ADN n'étaient pas encore connus).
Emilienne Luce (à droite) lors d'une réception dans son manoir
Emilienne Luce a légué par testament le manoir, ses collections et ses annexes à l'État Egyptien, à condition que les collections restent dans le manoir et soient exposées exactement comme agencées par les collectionneurs.

Ces conditions ont été respectées lors de l'ouverture du musée en 1962

Mais, en 1971 ...
Le Président Anwar El Sadat emménagea dans un manoir de l'autre côté de la rue (photo ci-dessus) et exigea que les services de la Présidence soient installés dans le manoir Khalil.
Les collections furent entreposées dans la résidence séquestrée du prince Amr Ibrahim, et l'installation des bureaux et équipements présidentiels fit disparaître toute patine palatiale chew les Khalil. Dans les jardins, un bunker en béton fut érigé, et un héliport fut installé pour assurer les transports présidentiels.
L'assassinat du Président Sadat en 1981 et la réorganisation de la Présidence sous le Président Moubarak changèrent de nouveau les perspectives.
Le musée rouvrit en 1992.
Entre-temps, en 1977, « Les coquelicots » de Van Gogh ont été volés. Le tableau fut retrouvé une décennie plus tard.
« Les coquelicots » par Van GoghEn 2010, le même tableau a été découpé de son cadre et a disparu. Il n’a pas encore été retrouvé.
Une refonte des systèmes de sécurité, comme des installations d’aération et de climatisation ont commencé en 2014. Les études muséologiques ont abouti à une nouvelle présentation des collections.
Le musée que nous avons visité en mai 2025 a ouvert ses portes en 2021.
Le Secteur des Beaux-Arts de l’État égyptien propose la visite virtuelle suivante du musée, en Arabe, en Anglais ou en Français, via ce lien :
Museum Panorama - Fine Arts Sector
Commençons maintenant notre propre visite

Dans le hall d'entrée, le portrait du collectionneur par Marie-Gabrielle Biessy
et le portrait de la bienfaitrice par Jean Edmond Aman
Buste de Saad Pacha Zaghloul par Serge Yourievitch
Le buste à son emplacement d'origine
Chaque œuvre d'art est accompagnée d'une pancarte en Arabe et en Anglais
Les descriptions des œuvres dans cet article reproduisent le contenu de ces pancartes
Après le hall d'entrée, la rotonde de réception
Au centre, une sculpture par Auguste Rodin
À gauche, l'éscalier avec le vitrail gigantesque
Les grandes salles de réception au rez de chaussée ne sont plus surchargées de meubles anciens et de juxtaposition d’objets. Elles apparaissent maintenant comme des salles d’exposition minimalistes, pour les importantes collections de porcelaine chinoise, japonaise et turque.
Au milieu d'un des salons, une table Louis XVI avec deux bustes orientalistes de Charles-Henry Cordier et une étude en plâtre.
L'emplacement d'origine de la table Louis XVI
Charles-Henry Cordier (1827-1905)
Cheikh
Etude en plâtre
Charles Henri Joseph Cordier (1827-1905)
Jeune paysanne
Dans ce même salon à gauche
Jean Antoine Houdon (1741-1828)
Buste de dame en plâtre
A droite
Jean Baptiste Carpeaux
L' original de la partie haute de la "Danse"
Marbre blanc

Posé au milieu de la surface d'un énorme buffet
Amphore Romaine
Verre soufflé , 1er siècle A.C.
A l'angle du même buffet
Une photo encadrée du collectionneur
en habit d'Academicien
arborant le Grand Cordon de la Legion d'Honneur
Dans le salon suivant, sur une luxueuse table ovale, la collection du Bey des caricatures de lui même !
Sur une autre table, une sculpture caricaturale du Bey et de deux de ses amis, en trois mousquetaires portant de tarbouches.
Malheureusement, aucun détail n'est donné sur l'identité des deux autres mousquetaires...
L'esprit d'autodérision était bien présent chez le Bey...
Mohamed Hassan
Les trois mousquetaires, bronze
La disposition d'origine de ce salon
Sur l'un des murs, cette magnifique tapisserie
Et son emplacement d'origine
Montons à l'étage
L'éscalier par temps passés
Les pièces où se tenait jadis la famille au premier étage et les chambres du personnel au deuxième étage, sont transformées en une galerie élégante pour leur superbe collection de tableaux, ponctuée de temps à autre par des sculptures élégantes et des objets d'art de l'Extrême-Orient.
Un apercu du premier étage

Edgar Degas
Portrait d'une jeune femme
Claude Monet
Le pont sur l' étang
Pierre Auguste Renoir
Avec l'écharpe blanche
Pierre Auguste Renoir
Tête d'enfant
Francois Auguste René Rodin, buste de Victor Hugo
Eugène Delacroix
Mazeppa
(Le guerrier Ukrainien et son châtiment)
Eugène Delacroix
Etude de fleurs avec glycine
Eugène Delacroix
Tigre
Maurice Utrillo
Rue Royale à Paris
Constant Troyon
Baignade
Sculptures en crystal de roche et autres matériaux précieux
Constant Troyon
Pâtures
Camille Pissarro
Lavandières
Camille Pissarro
Au marché des oiseaux
Camille Pissarro
Après midi d'automne
Louis Gustave Ricard
Madame Ernest Feydeau
Camille Pissarro
Cricket à Bedford Park
Camille Pissarro
La rive d'Oise à Pontoise
Camille Pissarro
La glace sous le le soleil
Les tableaux et leur accrochage initial
Iris
Théodule Augustin Ribot
Portrait de jeune homme
Théodule Augustin Ribot
Enfants travestis
Giuseppe de Nittis
Portrait de jeune femme
Tireur à l'arc
Eugène Carrière
Enfant malade
Eugène Carrière
Maternité
Eugène Carrière
L' enfant et la casserole
Francois Auguste René Rodin
Le triomphe de la jeunesse
Gustave Courbet
Portrait d'un homme
Gustave Courbet
Le gardien Marechal
Gustave Courbet
Pommier en floraison
Gustave Courbet
La sieste
Hilaire Germain Edgar Degas
La toilette
Mary Cassatt
Enfant
Miniatures en minéraux précieux
On se tient devant une vitrine ouverte à plusieurs rangs
Des peintures de techniques diverses y sont exposées
Quelques unes dédicacées à la maîtresse de maison
Les trésors de la librairie Khalil. Aucune indication quand à leur emplacement actuel.
On revient aux grands tableaux
Jean-Edmond Aman
Confidences
Berthe Marie Pauline Morisot
Jeune fille accroupie
Gustave Moreau
Salomé au jardin
Puvis de Chavannes
Muses
Eugène Lami
Reception à Versailles
Félix Ziem
Paysage

\

Une vitrine avec des miniatures et le portrait de Mme Feydeau au dessus
Henri Toulouse Lautrec
Leçon de chant
Francois Auguste René Rodin
Une statue de la composition monumentale "Les Bourgeois de Calais"
Narcisse Diaz
Le soleil de la tempête
Detail
Jean Baptiste Camille Corot (1796-1875)
Jean Baptiste Camille Corot (1796-1875)
Portrait de Melle Lefilleul
Jean Baptiste Camille Corot (1796-1875)
Rive
Jean Baptiste Camille Corot (1796-1875)
Jean Batiste Carpeaux
La surprise de Suzanne
Henri Joseph Harpignies
Ombres dans la forêt
Charles Francois Daubigny
Lever de lune
Inconnu
Paysage
François Auguste René Rodin (1840-1917)
Balzac
Paolo Forcella (1868- ?)
Femme nomade
François Xaver Winterhalter
Portrait de la Princesse de Wagram
Détail
La Princesse de Wagram « à la Cour »
Théodore Rousseau (1812-1867)
Bateaux
Antoine Louis Barye
Daniel Joseph Bacque
Un paysan et son âne se rendent au marché de Ségovie
Alfred Sisley
Seine au lever du soleil
Alfred Sisley
Moret en automne
François Auguste René Rodin
Fatigue
Paul Gauguin
La vie et la mort
Paul Gauguin
Scène de Dominique
Claude Monet
Westminster et l'obélisque de Cléopâtre
Claude Monet
À l'intérieur de la forêt
Henri Lebasque
Balançoire
Antoine Louis Barye
Thésée affronte le Minotaure
Auguste Renoir
Auguste Renoir
Vignobles de Cagnes
Antoine Louis Barye
Thésée attaque le centaure
Eugène Delacroix
Mort du guerrier
Eugène Delacroix
Chef arabe
Johan Jonkind
Clair de lune
Eugène Louis Boudin
Bord de mer à Trouville
Eugène Louis Boudin
Blanchisseuses à Deauville
Charles Cottet
Étude de femmes de Bretagne (Bretonnes)
Charles Cottet
Têtes de femmes de Bretagne (Bretonnes)
Charles Cottet
Pommes et figues
Honoré Daumier
Femme dormant sous un arbre
Charles Cottet
Voiles roses
Honoré Daumier
Don Quichotte
Claude Monet
La Seine à Argenteuil
Claude Monet
Nymphéas
Alfred Sisley
La vie à la campagne en fin de mois de mai
Jean-François Millet
Forestier
Jean-François Millet
Blanchisseuses
Jean-François Millet
Récolte
Jean-François Millet
La véillée
Détail
Jean-François Millet
La maison et le jardin de l'artiste à Barbizon
Théodore Chasseriau
Un cavalier arabe
Joseph Thomas Adolphe Monticelli
Promenade dans le parc
Georges Antoine Prosper Marillhat
Le Vieux Caire
Jean Auguste Dominique Ingres
Fatima
Détail
Eugène Fromentin ou Fromentin Dupeux
Le Nil en Haute-Égypte
Jean Jacques Henner
Madeleine à genoux
Jean Jacques Henner
Saint Sébastien dans le tombeau
Tabatières japonaises
Fantin Latour
Fantin Latour
Fleurs et lilas
Au revoir...
On se sépare en admirant la vue du manoir sur le Nil.
Texte et photographies en couleur © Iannis Kallianiotis (sauf indication contraire)